Un milliard d'amputation budgétaire en un an pour l'Université et la recherche

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Quand l'analyse budgétaire permet de repérer nos ennemis

Cela fait un an que nous tentons, en vain, d'obtenir que la presse rende factuellement compte des baisses budgétaires dans le supérieur. Pour l'anecdote, la Cour des Comptes [1] prétend ne pas avoir réussi à mener cette analyse à bien du fait des sommets d'incompétence atteints par la DGESIP. La méthodologie en est pourtant simple. Il ne faut évidemment pas considérer l'enveloppe globale de l'Enseignement Supérieur et la Recherche, puisqu'elle recouvre des lignes budgétaires mouvantes mais ne regarder que le "programme 150" qui est celui correspondant au budget de l'Université et de la recherche universitaire (à l’exclusion des autres filières, du budget alloué à la recherche privée, des bourses étudiantes, etc). De la même manière, il faut considérer le budget sur une année roulante de sorte à prendre en compte les innombrables annulations de crédits qui l'émaillent, c'est-à-dire des crédits dûment votés par la représentation nationale, mais qui ne sont jamais versés.

Sur un an, on aboutit au décompte suivant :
- 230 M€ d'annulation de la "réserve de précaution" des Universités, qui devait financer le GVT, parmi les 560 M€ supprimés du budget ESR (projet de loi de finances rectificative, p. 79 et 81) [2]. Le Rapport n° 2408 de Mme Valérie Rabault annonce 666 M€ d'annulations sur un périmètre différent ;
- 123 M€ de suppression budgétaire au travers du modèle SYMPA, au titre de la "réorganisation du mode d'allocation des moyens des universités", au titre de la "modernisation et mutualisation du fonctionnement des opérateurs" [3] p. 125 ;
- 90 M€ de "coup de rabot" de dernière minute, passé par l'amendement 267 du gouvernement [4] ;
- 100 M€ de prélèvement sur les fonds de roulement [5] ;
- 2400 M€ au Contrat de Plan Etat-Régions, qu'il convient de diviser par 5 pour obtenir la baisse annuelle.
La somme se fait aisément, qui conduit à la bagatelle de 1023 M€ en un an. Cela signifie que sur une année tournante, plus d'un milliard a été amputé au budget des universités et de la recherche universitaire.

Avoir ce montant en tête permet de poser un regard lucide sur le contre-feu allumé par les ennemis acharnés de l'Université, la sinistre CPU pour sa face officielle, et l'omniprésent groupe Marc Bloch pour sa face opaque et clanique. Par un renversement dont ils sont coutumiers, ces bureaucrates se font dépeindre en opposants dans la presse, mettant en scène de fausses victoires qui lèvent un écran de fumée devant le désastre permanent qu'ils engendrent. Le discours est aisément reconnaissable. Il ne s'agirait de financer que le coût d'un choc démographique imprévisible : 65 000 étudiants que personne, Ô surprise, ne s'attendait à voir s'inscrire à l'Université. Outre que cela constitue un aveu d'incompétence de la part des nuisibles dirigeants de la DGESIP, cet élément de langage est risible, puisque la hausse a été continue (30 000 en 2013 et 2014) et anticipable par quiconque sait lire (augmentation de 3,7 % du nombre d'admis au baccalauréat général). Nous disposons donc d'un moyen simple pour reconnaître nos ennemis : ils alternent le bavardage inepte avec le mensonge le plus franc.

Nous appelons à prendre part au mouvement #OccupyBercy contre le dépouillement et la dépossession à l'Université, le 16 octobre.

[1] Référé du 27 janvier 2015:
https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/L-allocation-des-moyens-de-l-Etat-aux-universites
Ces derniers temps, c'est Mme Moati, promotion "Voltaire" de l'ENA, porte-flingue notoire de M. Hollande, qui s'est occupée de distiller l'habituelle propagande néo-libérale sur l'Université:
https://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/L-autonomie-financiere-des-universites-une-reforme-a-poursuivre
[2] http://www.senat.fr/rap/l14-159-1/l14-159-1.html
[3] http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r2260-tI.asp
[4] http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2438/AN/267.asp
[5] http://www.senat.fr/questions/base/2015/qSEQ15021026S.html
[6] AEF Dépêche n°507078

Ce que durent les promesses

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Pour 513 millions de moins


La "crise" désignait autrefois un brusque accès morbide, un événement bref et intense, une phase critique, un trouble limité dans le temps. La "crise" est aujourd'hui une méthode de gouvernement, qui accompagne la mutation d'une société d'enfermement vers une société de contrôle. Si notre vie professionnelle se révèle de plus en plus difficile, privée de moyens et sans perspectives, il faut avoir conscience qu'il ne s'agit ni du hasard ni d'une fatalité. A l'Université — comme ailleurs — elle passe par une atomisation méthodique de la communauté universitaire, mise en œuvre par l'action de ternes personnages, médiocres managers. La principale méthode de contrôle du néo-management s'appelle le "projet" : AAP, une machine à happer.

Il n'est dès lors pas étonnant que l'apathie générale, le repli sur une vie cellulaire — son amphi, son article à finir, son TD — ait conduit, le vendredi 12 décembre, à l'une des attaques les plus virulentes contre l'Université.

Il y eut bien sûr la réception donnée dans un décor d'opérette par le chef de l'Etat, mais il ne s'agit pas de cela. Devant le groupe Marc Bloch [1] rassemblé aux premières loges, M. Hollande y prononça sans sourciller ces mots : "le budget des universités, dans une période pourtant contrainte sur le plan des finances publiques, doit être sanctuarisé. C'est un engagement que j'ai pris et je veille à ce qu'il soit tenu." [2] On sait ce qu'il en est. Même l'engagement pris la veille — l'aumône de 70 M€ — ne fut pas respecté [3]. Si 70 M€ sont revenus aux universités, c'est en prélevant 4 >M€ dans des programmes universitaires, 20 M€ à l'ANR et, comble du cynisme, 15 M€ à l'enseignement scolaire.

Les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche sont donc, au final, amputés [4] de (230+123+136+350/5-70+4+20) = 513 M€ soit plus d'un demi milliard ! Un avant-goût du milliard et demi d’économie prévu pour la période 2015-2017 [5]. Rassurez-vous : le contrat Elsevier [1] est, lui, sanctuarisé et le pipeline budgétaire vient de transférer à nouveau 98 M€ aux structures nanotechnologiques créées et précédemment dirigées par Mme Fioraso et son compagnon [6]. Comment qualifier les mensonges du chef de l'Etat et la joie de M. Salzmann étalés dans la presse ?

Sans place laissée au hasard, la veille au soir, une fuite orchestrée [7] nous apprenait les funestes projets de M. Salzmann et de son entourage. Nouvelle illustration de la technique du choc et de la stupéfaction, il s'agit d'une attaque d'une virulence inusitée contre les enseignant-chercheurs et l'Université. Sous couvert de « revoir la conception du métier d’enseignant-chercheur », cette nouvelle feuille de route du groupe Marc Bloch prévoit la révision des « référentiels horaires pour qu’ils correspondent réellement à la stratégie de l’établissement ». En substance, il s’agit de rendre obsolète la référence aux 192 heures statutaires annuelles, en donnant la possibilité aux directions des établissements de moduler à la hausse et individuellement le temps d'enseignement. Il s'agit d'organiser la différentiation entre établissements de proximité et établissements de recherche, entre le "périmètre d'excellence" des ComUÉ, et les "collegium" universitaires en charge, dans la misère, de l'enseignement de masse.

Selon ce document, les membres du groupe Marc Bloch souhaitent achever la mise en place d'une féodalité dont ils seraient naturellement les suzerains : supprimer la procédure de qualification, redonner ses lettres de noblesse à l'endo-recrutement [8], contrôler des "fiches de postes", introduire systématiquement des néo-managers dans les comités de sélection, multiplier le nombre d'étapes de la procédure de recrutement. Du reste, l'ensemble du texte déploie une inventivité remarquable pour occuper les enseignant-chercheurs à autre chose qu'à faire leur métier : créer, transmettre et critiquer les savoirs.

Cette attaque frontale visant à priver les universitaires de leur statut ne se comprend qu'agencée avec la création des ComUÉ [9] d'une part, et avec la baisse volontariste et massive des budgets, d'autre part. L'augmentation des frais d'inscription suivra, en toute logique. Il s'agit de procéder à un coup d'accordéon : créer artificiellement des monstres aussi bureaucratiques que dysfonctionnels, puis en prélever une petite structure [10] concentrant les moyens, laissant l'enseignement de proximité — de masse — à des enseignants à temps plein.

Vous pensiez le repli cellulaire comme une stratégie de survie pérenne ? Vous voilà détrompés.

[1] A ce propos, saviez-vous que le fondateur de Couperin, ce consortium dont l'une des premières actions fut de signer un contrat léonin avec Elsevier, est aussi le père des ComUÉ, ces usines à gaz venues s'ajouter au mille-feuille bureaucratique pour priver la communauté universitaire de ses derniers moyens d'action.
[2] A la décharge de M. Hollande, ce discours — plein de provocations sur les regroupements imposés autoritairement par la DGESIP — a dû être écrit par son conseiller, membre du groupe Marc Bloch. Dépêche AEF en date du 13 décembre 2014: F. Hollande à la CPU : l'engagement de sanctuariser le budget des universités est une "bataille de tous les instants" [SIC]
[3] http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2438/AN/267.asp
[4] http://lesupenmaintenance.blogspot.fr/
[5] Lors d’une audition au Sénat le 4 juin 2014, Geneviève Fioraso a annoncé l’équivalent d’1,6 milliard d’économie pour l’ESR en 2015-2017. http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/universite-economies-budgetaires-la-communaute-universitaire-de-plus-en-plus-inquiete.html
[6] http://www.mediapart.fr/journal/france/121214/recherche-le-pont-dor-fait-aux-nanotechnologies-met-fioraso-sur-la-sellette
[7] Dépêche AEF en date du 11 décembre 2014 Enseignants-chercheurs : les propositions de la CPU sur leur recrutement, leur formation et leurs carrières
[8] Il suffit de rechercher la production scientifique de nombre des membres du groupe Marc Bloch pour constater qu'ils étaient en situation d'échec professionnel avant de grimper dans la hiérarchie.
[9] On se souvient que le groupe Marc Bloch usa de mensonges, de pressions, de menaces etc., pour imposer cette forme de regroupement et pour annihiler toute forme de démocratie universitaire. Episode mémorable, il alla jusqu'à falsifier un amendement législatif déposé par le groupe écologiste du Sénat. Le contenu de cette tentative de faux et usage de faux ? Celui qui finit par passer à la faveur d’un cavalier législatif entre vache et cochon :
http://www.resau.fr/cavalier_agricole.pdf
[10] Dixit M. Tirole « La norme internationale se situe à 10-15.000 étudiants, pas plus. En France, les universités sont bien au-delà de ces chiffres, ce n’est pas sérieux. »

De la triangulation en cours

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Pour 489 millions de moins


A l'occasion d'un dîner offert ce vendredi soir au groupe Marc Bloch, M. Hollande devrait annoncer officiellement ce que l'ensemble des médias a propagé avec une journée d'avance: le "rétablissement du budget des universités". La CPU de M. Salzmann ne manquera pas, dès le lendemain, de s'auto-congratuler au travers d'un communiqué dont elle a le secret et de saluer ce retour à un budget sanctuarisé.

Il s'agit là d'une opération de triangulation dont il convient de dénoncer le mensonge grossier.

La réalité est la suivante:
• Le projet de loi de finances rectificative, p.79 et 81, mentionne que 560 M€ ont été supprimés en 2014 du budget ESR. En particulier, la "réserve de précaution" des Universités a été purement et simplement annulée (230 M€)
• Le plan d'économie prévoit une suppression budgétaire de 123 M€ au travers du modèle SYMPA, au titre de la réorganisation du mode d’allocation des moyens des universités. p 125
• Le "coup de rabot", passé par amendement surprise, s'élève à 136 M€. M. Hollande devrait annoncer l'aumône de 70 M€ faite aux Universités, 70 M€ pris... sur le budget de l'éducation et de la recherche.
• Les contrats de plan état-région ont vu l'enveloppe dévolue à l'ESR baisser de 25% à 50%, ce qui correspond à une baisse de 350 M€ pour les cinq ans qui viennent.

Par un calcul élémentaire, on obtient donc que l'enfumage consiste à faire passer une baisse de (230+123+136+350/5-70) = 489 M€ pour une "sanctuarisation" retrouvée. Le budget de deux universités omnidisciplinaires disparait et nous sommes supposés applaudir. L'équivalent de 8150 postes se volatilisent et nous sommes supposés remercier les complices.

489 M€ c'est à peu de chose près la somme de deux cadeaux somptuaires décidés récemment au Ministère:
• 172 M€ prélevés à la source sur les budgets universitaires pour les offrir à l'éditeur Elsevier en échange de son bouquet de médiocres revues.
• 274 M€ crédités par pipeline budgétaire spécial (p 116) à la direction de la recherche technologique du CEA dont le compagnon de Geneviève Fioraso était directeur délégué, pour un programme hébergé par Minatec Entreprise, une SEM que Mme Fioraso dirigeait avant d'être ministre.